Un an après, les 10 échecs du gouvernement Raffarin


L'économie en panne, le chômage en hausse, les déficits « en grand », les inégalités en plus, les services publics en moins, la solidarité en recul, l'Education en repli, l'avenir en péril, le territoire en friches, la sécurité en faux-semblant

1/ - L’économie en panne
<br>La situation économique de la France s’est dégradée depuis un an : la croissance ne dépasse pas 1 %, l’inflation a atteint 2,7 % sur les douze derniers mois. La consommation, après avoir tenu jusqu’à la fin 2002, s’est rétractée au premier trimestre 2003. L’investissement a chuté (- 1,3 % globalement en 2002, et - 11 % pour la seule industrie). La responsabilité du gouvernement Raffarin dans ces résultats est largement engagée. En effet, la politique économique, fiscale et sociale a été menée à contresens. Les baisses d’impôts, pour les plus favorisés, ont favorisé l’épargne. Monsieur Mer a lui-même concédé qu’elles n’ont eu aucun impact sur la consommation. La hausse des prélèvements de toute nature (fiscalité sur l’essence, impôts locaux, droits sur le tabac, hausse des tarifs publics) ont pénalisé le pouvoir d’achat. Le moral des ménages, comme celui des entreprises, n’a jamais été aussi bas depuis 1996, c’est-à-dire le temps du gouvernement Juppé, marquant ainsi une malencontreuse et pourtant compréhensible continuité. La même politique produit les mêmes résultats. Aussi, se réfugier derrière l’héritage et la dégradation de la situation internationale n’est ni exact, ni honnête de la part du Premier ministre. Il a fait des choix dès l’été 2002. Ce sont eux qui, loin de contrecarrer la conjoncture, ont conduit la croissance à se situer au plus bas depuis 9 ans.

2/ - Le chômage en hausse
Sur les neuf derniers mois, le nombre des demandeurs d’emplois s’est accru de plus de 100 000. L’accélération est même impressionnante : 50 000 sur le seul dernier trimestre. Le taux de chômage, aujourd’hui de plus de 9,2% de la population active, pourrait atteindre près de 10% d’ici la fin de l’année. Ce sont les jeunes, les plus de 50 ans et les chômeurs de longue durée qui sont bien sûr les premiers touchés par la hausse du chômage, alors qu’ils avaient été les premiers bénéficiaires de la politique du gouvernement Jospin. En outre, le chômage partiel a progressé d’environ 100 % en un an. Au-delà de la faible croissance, le gouvernement s’est lui-même désarmé en mettant à bas l’essentiel de la politique volontariste de création d’emplois engagée par son prédécesseur :
a) L’arrêt du dispositif emplois-jeunes correspond au plus grand plan social de l’année 2003 : près de 50 000 départs. De nombreux jeunes sont ainsi jetés hors de l’activité. Et de nombreuses associations obligées de renoncer à fournir de nouveaux services utiles à la population.
b) L’abrogation de fait des 35 heures aboutit non seulement à créer une inégalité de plus entre salariés selon la taille de leur entreprise, mais à renoncer à des embauches potentielles dans de nombreux secteurs économiques (notamment le tourisme et le bâtiment). En déplafonnant le contingent annuel d’heures supplémentaires de 130 à 180 heures et en réduisant le taux de leur majoration de 25 à 10 %, le gouvernement a explicitement interrompu le mouvement historique de réduction de la durée du travail. Le nivellement par le bas du SMIC pour la majorité des smicards, au prétexte d’une harmonisation pour seulement une minorité d’entre eux concernée par les garanties mensuelles de rémunération, a déjà fait mentir le slogan de la campagne chiraquienne : « Travailler plus pour gagner plus ». Les salariés ne gagneront pas plus aujourd’hui qu’hier. En revanche certains d’entre eux travailleront davantage. Si on ajoute à cela la généralisation du forfait-jours bien au-delà des seuls cadres autonomes dans leurs fonctions, la réduction drastique de la rémunération des astreintes ou la mise en cause d’accords valablement conclus sous l’empire des lois Aubry, il ressort que la législation sur les 35 heures a bien été vidée de sa substance. Le gouvernement vient même de décider, subrepticement et sans la moindre concertation, de relever le contingent d’heures supplémentaires autorisé dans les entreprises soumises à un accord de modulation, de 90 à 130 heures par an.
c) La suspension de la loi de modernisation sociale sous la pression du Medef se traduit par la levée de l’obligation de négocier le plan de restructuration puis le plan social, de recourir à la RTT avant tout licenciement et de prévoir un congé de reclassement. Cette incitation à dégraisser « librement » pendant 18 mois a provoqué une multiplication de « plans sociaux ». Et le gouvernement a lui-même donné l’exemple en faisant échouer toute reprise d’Air Lib et en décidant de la suppression de près de 4 000 emplois au G.I.A.T. Conscient de l’échec et des risques d’une aggravation de la situation de l’emploi, François Fillon a été obligé de faire marche arrière en réactivant les mesures du traitement social du chômage, mais sans les moyens financiers correspondants. Après avoir gelé 335 millions d'euros en février 2003, sur le budget emploi, alors qu’il était déjà en baisse de 6 % pour cette année, et annulé 167,5 millions d'euros par décret, le Ministre du travail, lors d’une conférence emploi, a proposé un effort financier de 300 millions d'euros, pour relancer les dispositifs d’emploi aidés qu’il démolissait depuis 10 mois. Parmi les mesures annoncées, le nombre des CES sera porté à 240 000, soit le chiffre atteint en 2001. Quant aux CIE (Contrats d’Initiative Emploi), le Ministre espère désormais porter ce nombre à 90 000 alors qu’il a réduit l’enveloppe budgétaire de 300 millions d’euros. Le Civis reste, pour sa part, une coquille vide : proclamée depuis l’été 2002, la mise en place de ce « contrat d’insertion dans la vie sociale » a été récemment esquissée. Après avoir récusé les emplois jeunes, le Gouvernement propose que le Civis concerne les jeunes les moins formés qui pourront être embauchés dans des associations, ou par des créateurs d’entreprises. Le Gouvernement annonce 5 000 Civis pour cette année, ce qui est totalement insuffisant au regard de la suppression de 50 000 emplois-jeunes. Floue quant à son contenu, cette formule a été en outre renvoyée à l’automne faute de crédit budgétaire. Le RMA suscite l’inquiétude des partenaires sociaux : destiné aux allocataires du RMI de plus de deux ans, et mis en œuvre de façon expérimentale, le RMA est censé concilier une allocation forfaitaire du RMI et un complément de salaire afin de parvenir à une rémunération égale au SMIC. Ce futur dispositif pose de sérieux problèmes en termes de dérogation au droit du travail et risque de multiplier les effets d’aubaine et de substitution.

3/ - Les déficits « en grand »

Depuis un an, le gouvernement Raffarin –par ses propres décisions- laisse filer les déficits sans bénéfice pour l’activité économique et sans progrès social pour les Français. Aujourd’hui, notre pays est en contravention flagrante par rapport à ses engagements européens et sous la menace, de la part de la Commission, d’une procédure de déficit excessif avec à terme –si une correction sérieuse n’est apportée- des sanctions financières contre la France. En attendant, c’est un plan de rigueur budgétaire et un plan d’austérité sociale qui se mettent progressivement en place.
a) La dégradation des comptes de l’Etat : Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a fait voter, dès l’été, un collectif budgétaire prévoyant des baisses de l’impôt sur le revenu (2,9 milliards d’euros), des allègements de charges (2,6 milliards) et des augmentations de dépenses pour la Défense nationale notamment. Le déficit budgétaire est alors porté à 47 milliards d’euros, soit 2 milliards de plus que le chiffre attendu par l’audit Bonnet-Nasse sur la gestion Jospin. En fait, faute de croissance et des rentrées fiscales opérées, le solde budgétaire dépasse 49 milliards d’euros à la fin 2002. Soit 4 milliards au-dessus de la fourchette haute de l’audit. De plus, la loi de finances pour 2003, votée sur des estimations déconnectées de la réalité économique (notamment une croissance de 2,3%), conduit à une surestimation du niveau des recettes fiscales d’au moins 6,7 milliards d’euros. L’équation budgétaire devient impossible à résoudre. Et le gouvernement, pour éviter un nouveau dérapage du déficit budgétaire, est alors contraint d’annoncer, le 4 février, le gel de 3,9 milliards d’euros, soit 85% des dépenses nouvelles supplémentaires prévues pour 2003 (défense comprise). Puis, le 14 mars, ce sont 1,4 milliard d’euros qui sont purement et simplement annulés, soit la moitié des crédits civils supplémentaires prévus pour 2003. C’est un véritable plan de rigueur qui est en fait décidé, sans dire son nom aux Français, et sans demander son mot au Parlement. Il remet en cause des pans entiers des politiques publiques (Education, Recherche, politique de la ville…) et revient sur de nombreux engagements pris par le gouvernement (aide publique au développement, crédits relatifs aux handicapés, contrats de plan Etat-Région). C’est non seulement grave au plan moral –le manquement à la parole donnée- mais les effets récessifs de cette rigueur sont indéniables : l’essentiel de la « régulation » porte en effet sur les crédits d’intervention (subventions notamment) et sur les dépenses d’investissements. Quant aux fonctionnaires, ils sont devenus, pour le gouvernement, une cible : trop nombreux, trop payés, trop avantagés quant à leur retraite… L’objectif est toujours de « dégraisser » la Fonction publique, quel que soit le « régime » à infliger aux intéressés. Ainsi, à l’insincérité budgétaire s’ajoutent l’inopportunité économique et l’injustice sociale. La mauvaise gestion fait le reste. L’endettement public dépassera 61 % du PIB à la fin de l’année 2003, c’est-à-dire la norme maximale posée par nos engagements européens !
b) Le retour du « trou » de la Sécurité Sociale : Alors que la gauche avait réussi à rétablir des comptes dès 1999, au point de générer un excédent cumulé de 18 milliards de francs (soit 2,7 milliards d’euros) sur la période 1999/2001, la droite depuis le mois de mai 2002 a laissé le déficit se creuser. Il a dépassé 4 milliards d’euros en 2002. Il atteindra le double en 2003. C’est l’Assurance maladie qui, pour l’essentiel, est à l’origine de cet emballement. Son déficit représente 6 milliards en 2002 et est prévue autour de 10 milliards en 2003. C’est la conséquence des décisions prises dès juin 2002 d’augmenter les honoraires médicaux sans aucune contrepartie, et surtout de l’abandon de toute maîtrise médicalisée des dépenses, lesquelles ont augmenté de 7,5% sur un an, soit près du double de la prévision fixée dans la loi de financement de la Sécurité Sociale. L’ACOSS évalue à 16,8 milliards le solde du compte de l’Assurance Maladie fin mai. C’est un niveau qui représente le double de l’impasse de 1995, celle qui avait justifié en son temps le plan Juppé. Le gouvernement brandit le prétexte de ces déficits, dont il est le seul responsable, pour préparer les Français à un basculement d’une partie des dépenses couvertes par l’Assurance maladie, sur les assurances privées. Cette démarche aurait deux conséquences : la privatisation rampante de la santé et une sécurité sociale à plusieurs vitesses, instaurant un socle minimum pour tous et une inégalité d’accès aux soins pour le plus grand nombre, à travers la sélection des risques. Ce serait la remise en cause des fondements même de notre contrat social. La même menace existe quant à l’avenir de l’assurance-chômage. Malgré la hausse récente des cotisations à la modification des conditions des prestations, le besoin de financement de l’UNEDIC est estimé à 2,5 milliards d’euros, d’ici la fin de l’année 2003. La tentation est grande pour les pouvoirs publics de recourir à l’emprunt pour financer ces découverts (dette sociale payée par la prolongation du CRDS, augmentation de l’endettement de l’UNEDIC). Ce serait d’abord reporter sur les générations futures la charge présente de la protection sociale. Ce serait surtout déséquilibrer gravement les organismes de Sécurité sociale, au risque de ruiner définitivement le paritarisme et de justifier un nouveau plan de rationnement des dépenses sous la pression de l’Etat. Ainsi la droite aura-t-elle fait resurgir, en moins d’un an, les spectres de la rigueur, des sacrifices et de l’austérité. Elle essaiera d’en appeler à l’héritage ou à la mauvaise conjoncture. Piteux prétextes. En fait, ce sont ses choix, ses décisions ou son inertie qui sont directement responsables de la dégradation. Le déficit des Administrations publiques a crevé le plafond des 3% du PIB en 2002 (3,1% précisément et sera proche de 3,5% fin 2003). Le Gouvernement peut cacher ses chiffres, faire comme s’ils n’ont aucune signification ou n’entraînent aucune conséquence. Il peut « prier » pour que la croissance reparte, espérer une compassion bruxelloise, retarder –dans l’espoir d’un miracle- l’échéance. Il sait qu’il ne pourra pas tenir ses engagements. Il prépare donc un schéma de transferts de dépenses collectives sur les collectivités locales (au nom de « la décentralisation ») et sur les ménages (au nom de la responsabilisation individuelle). C’est l’Etat providence minimal qui se profile. Il n’est pas sûr que les Français acquitteront moins d’impôts, il est de toute évidence acquis qu’ils paieront davantage et sous toutes les formes possibles (taxes, primes d’assurance, déremboursements et tarifs publics).



4/ - Les inégalités en plus

Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a d’abord servi ses clientèles. C’est particulièrement vrai au plan fiscal : en baissant d’abord l’impôt sur le revenu de 5 % en 2002 et de 1 % en 2003, il a voulu –comme l’a confessé le Président du groupe UMP à l’Assemblée nationale- envoyer un « signal en direction des élites » : sur les 3,5 milliards d’euros ainsi distribués, 66 % bénéficient aux 5 % les plus aisés. La réduction d’impôt pour emploi à domicile fournit une seconde illustration des préoccupations de la droite. Elle ne joue qu’en faveur des foyers fiscaux imposés à l’IRPP et, malgré son plafonnement, la disposition est d’autant plus avantageuse que les revenus sont élevés (70 000 familles parmi les plus aisées). Enfin, elle n’a pu empêcher, malgré moult précautions, de baisser l’ISF au nom de « l’initiative économique », notamment pour les plus gros patrimoines, comme si les leçons du passé n’avaient compté pour rien ! À l’inverse, le gouvernement a pénalisé le plus grand nombre en aggravant les prélèvements liés à l’essence, et en programmant un relèvement de la plupart des tarifs publics. Il s’en est même pris aux plus modestes en refusant de donner un coup de pouce au SMIC en juin 2002, en augmentant les cotisations UNEDIC, en limitant l’augmentation de la prime pour l’emploi aux seuls salariés à temps partiel, en bloquant la revalorisation des allocations logement, malgré la hausse des loyers et en évitant toute amélioration du pouvoir d’achat des prestations familiales. Les chômeurs ont même vu leur pouvoir d’achat directement altéré par un relèvement de leur contribution et un durcissement de leurs conditions d’accès aux prestations. Le Premier ministre a même trouvé généreux de ne pas augmenter la redevance audiovisuelle annoncée par le Ministre de la communication. Il n’a en revanche pas eu de scrupule en accroissant singulièrement les salaires des ministres durant l’été 2002.


5/ - Les services publics en moins

Au-delà de l’amputation budgétaire dont sont victimes de nombreuses fonctions collectives, le gouvernement use de deux armes pour atteindre le service public : la « décentralisation » et la privatisation.
a) Fausse décentralisation – vraie défausse de l’Etat :
La décentralisation était présentée dès la formation du gouvernement Raffarin comme la grande mesure du quinquennat. Cette conversion, pour tardive qu’elle fût (rappelons-nous de l’attitude de la droite au Parlement lors du vote des grandes lois de décentralisation de 1982), pouvait laisser espérer de nouvelles libertés pour les collectivités locales, de nouveaux droits pour les citoyens, de nouvelles répartitions des aides financières pour les territoires. Le Premier ministre ne qualifiait-il pas ce projet comme « la révision constitutionnelle la plus ambitieuse depuis 1962 et l’élection du Chef de l’Etat au suffrage universel direct ». ! En guise « d’ambition », sa réforme apparaît comme une manœuvre commode pour transférer aux collectivités locales des charges que l’Etat ne peut plus ou ne veut plus assumer. Pour le Premier ministre, la décentralisation c’est « recentrer l’Etat sur ses missions essentielles ». En réalité, c’est démembrer l’Etat de ses fonctions majeures. Aussi, alors que le contenu des projets de lois organiques et ordinaires tarde à être connu, les conséquences de la réforme sont clairement affichées : - Les infrastructures, en particulier les routes nationales seront transférées aux Conseils généraux, sans doute pour palier les carences de l’Etat dans la mise en œuvre des contrats de plan - Pour la gestion des moyens dans le domaine de l’éducation, concernant les personnels techniques, la médecine scolaire, les assistantes sociales, les conseillers d’orientation (…), il sera demandé aux collectivités locales davantage d’implication. Or, ces secteurs se caractérisent par une pénurie en termes de postes, à laquelle départements comme régions ne pourront faire face. - La gestion du RMI et la politique du handicap sont laissées à la discrétion des départements. Gare à la hausse d’impôts ! - Les expérimentations ne portent que sur des secteurs où l’Etat est en grave difficulté et où les crédits sont insuffisants : travaux sur les monuments historiques, investissements hospitaliers, personnels para-médicaux (…) ; une façon très « pragmatique » de renvoyer vers les collectivités locales les missions que l’Etat n’a plus les moyens d’assurer, sans fournir la moindre péréquation entre Régions. Malheur aux territoires déshérités ! Dans le même temps, l’évolution des concours financiers de l’Etat aux collectivités locales confirment l’impression d’une décentralisation au rabais. La Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) voit sa dotation forfaitaire n'augmenter que de 1,14 %, c'est-à-dire moins que l'inflation. La Dotation Globale de Décentralisation connaît une croissance de 2,29 % en 2003, alors qu'elle était de 4,04% en 2002. La Dotation de Compensation de la Taxe Professionnelle (DCTP) est quant à elle en baisse de 5,16 %. Le fonds de péréquation subit une réduction de près de 18% de ses ressources.
b) Les privatisations :
Pour des raisons idéologiques –réduire le périmètre de l’Etat- et financières –alimenter les caisses de l’Etat- le gouvernement a engagé des privatisations de manière hâtive et dangereuse. Et sans aucune logique industrielle : • Au moment où le transport aérien connaît de graves difficultés, il a ainsi pris la responsabilité de décider de la privatisation d’Air France. Cette entreprise avec un actionnariat majoritairement public a pourtant assuré son redressement. Pourquoi donc mettre sur le marché son capital sinon pour des motifs purement politiques et financiers ? • L’ouverture du capital d’EDF et la privatisation de GDF s’inscrivent dans la même logique libérale et la recherche d’argent frais pour l’Etat face à la dérive de ses propres comptes. Ce sont les principes mêmes du service public de l’Energie qui risquent d’être sinon mis en cause (égalité d’accès, péréquation tarifaire, continuité…). • Le gouvernement pousse dans le même temps les feux à Bruxelles pour une ouverture totale à la concurrence du transport ferroviaire et accepte la libéralisation entière du marché de l’énergie à l’horizon de 2007, sans aucune garantie de l’égalité des territoires. Sa conception du service public se résume à la mise en place d’un service universel minimum pour les plus défavorisés. C’est la fin de la spécificité française.


6/ - La solidarité en recul


a) Un recul immédiat : L’APA.
L’Allocation Personnalisée à l’Autonomie est une grande réforme de la précédente législature : cette prestation permet de soulager financièrement les familles concernées, d’humaniser l’accueil des personnes âgées dépendantes et de créer des emplois. Or, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, au prétexte fallacieux de non-financement de la mesure (en 2002, les dépenses pour l’APA se sont élevées à 1,85 milliard d’euros au lieu de 2,5 milliards prévus), démantèle l’APA et alourdit encore la charge pour les départements et pour les familles. Toutes les mesures relatives aux modalités d’attribution de l’APA reviennent à pénaliser des personnes disposant de petits revenus : le Gouvernement a doublé la participation des personnes aidées à leur domicile, sous couvert de restaurer l’équilibre des participations des personnes entre l’aide à domicile et l’aide en établissement. Le « ticket modérateur » minimal pour l’aide à domicile passe en moyenne de 5 % à 12 % de l’aide. Ces déremboursements vont affecter les bénéficiaires qui ont les revenus les plus bas. Le seuil de revenus à partir duquel l’usager doit participer à ses dépenses passe de 949 euros à 623 euros. Le plafond au-delà duquel le montant maximal de participation est acquitté grimpe de 3 162 euros à 2 483 euros. Le montant maximal de la participation passerait de 80 à 90 % du montant du plan d’aide. La loi prévoyait l’ouverture des droits dès le dépôt du dossier, maintenant il faudra que les personnes attendent la notification de la décision du président du conseil général. Cela revient à créer un délai de carence de deux mois qui est une aberration en termes de santé publique et une injustice pour les familles qui devront payer la totalité des frais durant ce délai. Moins d’APA, ce sont aussi moins d’emplois : En diminuant le financement de l’APA, la droite atténue l’impact de cette prestation en termes de création d’emplois de proximité. L’APA a permis en effet de rémunérer des aides à domicile et de leur offrir de véritables carrières. La menace, c’est aujourd’hui une prestation qui dépendra pour beaucoup de la volonté et des capacités financières des Conseils généraux. À une prestation universelle se substitue une formule au montant variable, à l’image de l’ancienne PSD (Prestation Spécifique Dépendance) tant décriée !
b) Un recul prochain : les retraites
La réforme des retraites annoncée par le gouvernement illustre une méthode fondée sur l’ambiguïté et révèle une volonté d’altérer durablement le contrat entre les générations. • L’ambiguïté tient d’abord à la nature du dialogue proposé aux partenaires sociaux. Discussions, concertation, négociation, les mots changent selon les réunions et les périodes. Mais le gouvernement refuse de préciser le cadre dans lequel il rencontre les organisations syndicales. Tout paraît conduire à un processus législatif sans véritable négociation avec les acteurs sociaux. Une telle démarche est grosse de malentendus et surtout de conflits sociaux. Le flou est également total sur les propositions du gouvernement : si les reculs sont précis et chiffrés, les compensations, elles, restent générales et incertaines (retraites minimales, métiers pénibles…) ; • Le danger, c’est une remise en cause des principes mêmes de la répartition. Le gouvernement ne raisonne qu’à partir du seul paramètre de l’allongement de la durée de cotisation pour le public d’abord, mais rapidement pour l’ensemble des salariés. Le taux de remplacement, c’est-à-dire le niveau des pensions, se dégrade ; les mécanismes de calcul de la retraite issus de la « réforme Balladur » sont prolongés, les retraites au-dessous du SMIC vont se multiplier, les avantages familiaux sont menacés, la retraite à 60 ans est rendue de plus en plus virtuelle. Et rien n’est fait pour permettre le départ avant 60 ans des actifs qui ont cotisé plus de 40 ans. Enfin, alors qu’aucune nouvelle ressource pérenne n’est affectée au fonds de réserve des retraites (contribution sur les entreprises ou CSG), l’épargne retraite est avantagée par des incitations fiscales qui vont naturellement favoriser les plus hauts revenus et encourager la constitution de fonds de pension, menaçant ainsi les équilibres de la « Répartition ». Au travers de cette réforme, c’est une nouvelle conception de la Protection sociale qu’avance la droite : un socle minimal de droits et de prestations, dont le volume dépendra du niveau de ressources publiques que la baisse d’impôts et de cotisations sociales compromettra à terme, et dont le complément devra être trouvé par les assurés sociaux eux-mêmes, via leur épargne personnelle et leur souscription à des mécanismes de prévoyance et d’assurance privée. La sélectivité sociale et les inégalités entre actifs sortiraient renforcées d’un tel schéma qui vaudra autant pour la retraite, la santé et l’ensemble des aléas de la vie : à chacun selon ses moyens…



7/ - L’Education en repli

L’éducation nationale n’est plus la priorité du gouvernement. Il s’agit là d’une rupture profonde avec la précédente législature qui avait permis au budget de l’Education de représenter plus de 20 % des dépenses de l’Etat. Les mauvaises nouvelles s’accumulent depuis près d’un an : - Fin de contrat pour 10 000 aides éducateurs ; - Suppression de 5000 postes de surveillants au moment où est annoncé un nouveau plan de lutte contre la violence scolaire ainsi privé de toute réalité ; - Remise en cause du plan pluriannuel décidé sous le précédent gouvernement et qui devait se traduire par 5000 postes d’enseignants répartis entre création et titularisation. - Transfert vers les collectivités locales de milliers de fonctionnaires de l’Education Nationale contre toute logique éducative et rationalité administrative. - Réduction des crédits pédagogiques Les mêmes critiques concernent l’enseignement agricole, avec une diminution des moyens, à laquelle il faut ajouter une rupture d’équilibre entre enseignement agricole public et enseignement agricole privé. Par ailleurs, la référence à la décentralisation est utilisée par le Premier ministre comme un moyen subreptice de changer le statut pour plus de 100 000 fonctionnaires de l’éducation nationale, qu’il s’agisse de personnels techniciens, d’assistantes sociales, d’infirmières, de médecins, de conseillers d’orientations, de psychologues. La concertation sur ce projet est inexistante ; les instances concernées n’ont même pas été consultées. Ces projets mettent en tous les cas lourdement en cause la cohérence du service public de l’éducation nationale. Le pire semble pourtant à venir. Les déclarations gouvernementales se multiplient à propos du principe selon lequel dès 2004, un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne serait désormais plus remplacé. Cette perspective signifie concrètement la réduction programmée des effectifs enseignants : l’Education Nationale est bien devenue une variable d’ajustement budgétaire. La Culture n’échappe pas à la toise. Alors que le candidat Jacques Chirac avait promis de “ sanctuariser ” le budget de la culture. Un an après, le constat plus brutal. Le budget du Ministère de la culture est le parent pauvre du budget 2003, accusant une baisse globale de 5,2 %, soit environ 150 millions d’euros. Le Ministre a pris le risque de supprimer plus de 215 millions d’euros de crédits de paiement, ce qui signifie une baisse sensible et durable des capacités d’intervention du ministère et l’abandon de certains projets importants. À cette situation budgétaire s’ajoutent pour la culture les conséquences de la baisse des subventions aux associations culturelles (de 3 à 10 % selon les départements) et la fin programmée des emplois-jeunes qui sera d’autant plus préjudiciable au secteur culturel qu’il en était l’un des principaux bénéficiaires. En ce qui concerne la situation spécifique des intermittents du spectacle, le gouvernement suit la politique du MEDEF qui souhaite depuis longtemps un transfert au régime d’assurance-chômage des salariés intérimaires. L’avenir de l’audiovisuel public est lui-même incertain, puisque le Gouvernement a décidé le report du passage à la télévision du futur, la télévision numérique terrestre que son prédécesseur avait engagée. Cette technologie aurait permis aux 75 % de français qui, pour l’heure, n’ont accès qu’aux seules chaînes hertziennes, de bénéficier d’une offre télévisuelle gratuite beaucoup plus importante. Or, non seulement le calendrier du projet a été retardé de plusieurs années, mais sa philosophie est bouleversée : moins de chaînes publiques, moins de chaînes gratuites, et la part belle faite au secteur privé commercial.


8/ - L’avenir en péril

Le gouvernement, malgré ses proclamations et ses effets d’annonces, remet en cause les priorités pour le futur. Deux exemples l’attestent :
a) Le mépris pour la recherche et l’enseignement supérieur :
Le candidat Chirac avait déclaré dans sa campagne qu’il ferait de la recherche une priorité, le bilan en matière de politique de recherche est, après un an, catastrophique. Le budget 2003, la loi de finances rectificative, les gels et les suppressions de crédits ont aggravé la situation (un manque à gagner s’élevant à 117,8 millions d’euros pour la recherche et 43,9 millions pour l’enseignement supérieur) : • 30 % de baisse budgétaire pour les EPST (établissements publics à caractère scientifique et technique) ce qui ramène la recherche en France au niveau des crédits de 1991. Ainsi, pour l’INSERM, dont le budget stagnait déjà, le gouvernement supprime 35 millions d’euros, soit le tiers de ses crédits de fonctionnement (qui s’élèvent à 108,5 millions d’euros). • Situation dramatique pour l’emploi scientifique, avec l’annulation du plan pluriannuel (10 ans) lancé par le Gouvernement Jospin. • Le plan cancer, bruyamment lancé par le Chef de l’Etat lui-même voit ses crédits entamés le lendemain même de son annonce officielle, donnant au procédé un caractère moralement insupportable. • L’enseignement supérieur, qui se caractérise par la faiblesse de ses ressources, voit sa situation s’aggraver au moment où l’université s’engage dans l’harmonisation des formations universitaires européennes. Certaines universités ont dû cette année prélever des fonds sur leur budget d’enseignement et de recherche pour financer l’entretien de leurs infrastructures ou la titularisation de leurs personnels. De plus, la moitié des universités aura en 2003 une dotation globale de fonctionnement réduite par rapport à l ‘exercice 2002.
b) L’oubli de l’environnement :
Une communication aussi intensive que brouillonne en matière de développement durable ne parvient plus à masquer les mauvaises pratiques ; elles sont particulièrement sensibles en ce qui concerne la lutte contre le changement climatique, contre les pollutions, le changement du mode de production agricole, la gestion des déchets, la préservation de la biodiversité et l’application du principe de précaution. Les premiers signes du désengagement de l’Etat ont été donnés avec la diminution du budget de l’environnement pour 2003 pour la première fois depuis 5 ans. La baisse de 0,2 % (hors inflation) par rapport à 2002 reportera au-delà de 2004 la création de postes d’inspecteurs affectés à la sécurité des installations classées et les crédits destinés à mettre en place les zones d’expansion des crues annoncées dans le plan d’action contre les inondations. En outre, la forte réduction de crédits attribués à l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), met un coup de frein à la politique de gestion des déchets et à la maîtrise de l’énergie. En matière de développement des énergies renouvelables, si la Ministre de l’écologie invite les entreprises à investir massivement dans ce secteur, l’Etat ne montre pas l’exemple et aucune incitation fiscale n’est envisagée pour développer l’utilisation des énergies propres. Le débat national sur les orientations énergétiques ouvert le 18 mars dernier n’a d’autre finalité que la légitimation d’une relance du tout nucléaire. D’ici là, le plan national de lutte contre l’effet de serre est mis au placard. Dans le domaine des transports, les choix en matière d’infrastructures privilégient le tout-routier au détriment du rail comme l’atteste la remise en cause de la signature de l’Etat dans le cadre des contrats de plan et des accords internationaux pour les grandes liaisons ferroviaires (notamment Lyon – Turin). Le silence du Gouvernement sur les intentions de la Commission européenne qui envisage la levée du moratoire sur les OGM, les déclarations de la Ministre de la recherche jugeant que ceux-ci pourraient être une solution aux problèmes alimentaires des pays pauvres sont autant d’exemples contraires aux bonnes pratiques du développement durable et au principe de précaution. L’autorisation donnée par le Ministre de l’agriculture autorisant la poursuite de l’utilisation du Gaucho, insecticide suspecté d’être responsable d’une surmortalité des abeilles. L’abandon du projet de loi sur l’eau qui prévoyait l’application du principe pollueur-payeur pour les pollutions d’origine agricole a été abandonné au profit d’une nouvelle loi envisagée pour 2004. Alors que la France est régulièrement condamnée par la Cour de justice européenne pour la mauvaise qualité de ses eaux, notamment en Bretagne, la transposition de la Directive européenne imposant aux Etats membres un bon état écologique des eaux d’ici 2015 a abouti en février dernier à un projet de loi qui exclut toujours la taxation des rejets d’azote d’origine agricole. On peut craindre que la loi promise en 2004 fasse l’impasse sur des pollutions qui ne cessent de s’aggraver.


9/ Le territoire en friches
Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a fait de la « proximité » sa référence politique. La « France d’en bas » se confondait avec celle des territoires. Un an après, ce discours relève du slogan publicitaire. Les choix ont contredit les proclamations. Les budgets de l’Agriculture, de l’Aménagement du Territoire, de la Ville et du Logement sont en baisse. Les collectivités locales voient leurs charges s’alourdir et leurs ressources se tarir. Les services publics (Poste, Banque de France, EDF…) remettent en cause leurs implantations et la localisation de leurs activités. Quant aux territoires eux-mêmes, ils sont victimes de la multiplication des plans sociaux et de la désindustrialisation (Métaleurop, Matra, Alcatel, Arbed, Giat…) sans mesure correctrice : les contrats de site étant dépourvu de toute portée réelle.
a) La priorité à l’espace rural contredite :
* Première contradiction : le gouvernement a commencé par réduire le budget de l’agriculture de 2003 de 3 % pour supprimer les outils de régulation mis en place par la gauche. • Abandon de la modulation des aides dès le 26 mai 2002, ce qui aboutit concrètement à une augmentation des aides versées aux gros exploitants au détriment des petits et moyens agriculteurs, bénéficiaires jusque-là de ce mécanisme de redistribution. • Mise en œuvre retardée du financement des retraites complémentaires (Loi Peiro) dont le gouvernement a indiqué qu’il débuterait en avril 2003 et non en décembre 2002, comme il avait été initialement prévu par le gouvernement Jospin. • Diminution jusqu’à 30% du budget des offices. Cette mesure met à mal la possibilité de soutenir les filières là où les organisations communes de marché sont faibles et de restructurer les plus fragiles d’entre elles. De plus, cela obère gravement la gestion des secteurs en cas de crise. • Suppression en août 2002 des Contrats territoriaux d’exploitation, malgré l’opposition des organisations professionnelles agricoles. Remplacés par un nouveau dispositif, les « contrats d’agriculture durable », pâle verdissage de l’acte de production, ces CAD n’ont pas encore été mis en place à ce jour, ni leurs financements débloqués. En huit mois aucun contrat n’a donc été signé. * Deuxième contradiction : malgré de grands discours sur le développement durable, Jacques Chirac continue à défendre des positions irresponsables et figées sur la politique agricole commune en affirmant son hostilité à sa révision à mi-parcours, avant 2007. Cet immobilisme est d’autant plus irresponsable qu’avec l’élargissement de l’Europe à 10 nouveaux pays dans lesquels l’agriculture occupe une place importante, il laisse dans une relative impréparation les exploitants Français, en les privant de toute visibilité sur l’évolution de leur profession. * Troisième contradiction : alors que le Ministre de l’Agriculture se fait le chantre d’une véritable politique de développement rural, on peut constater aujourd’hui que les premières orientations du futur projet de loi en faveur du monde rural ( en 1ère lecture devant l’Assemblée nationale en octobre 2003) sont floues et inconsistantes. En effet, cette réflexion qui est un vrai sujet de société et doit donc concerner la plupart des ministères reste pour l’instant strictement agricole.
b) Le logement en plan
Alors même que le secteur du logement est en crise, pénurie d’offres locatives et hausse des loyers, le gouvernement réduit ses engagements. Seules 54 000 constructions nouvelles dans le parc social sont prévues au budget et si les financements PALULOS utilisés pour la réhabilitation concernent 100 000 logements, ils serviront en priorité à la mise en sécurité des ascenseurs, ce qui laissera peu de marges pour les opérations de réhabilitation et d’amélioration de l’habitat. Ce désintérêt pour l’amélioration de l’habitat se traduit également par une baisse de 11% des autorisations de programmes de l’ANAH. (Agence nationale de l’amélioration de l’habitat). L’accession sociale à la propriété n’est pas mieux lotie avec des financements du Prêt à Taux à zéro en baisse (30 M€ de moins). De plus, le gouvernement supprime la prime à l’accession sociale qui permettait aux familles modestes d’acquérir un logement. Face à la rareté du logement, notamment pour les classes modestes et moyennes, les seules mesures prises par le Ministre du Logement, le 3 avril dernier, visent à offrir des cadeaux fiscaux aux plus fortunés. En effet, lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction, celui-ci a remplacé le dispositif dit Besson par un dispositif de Robien qui accordent des déductions fiscales aux investisseurs bailleurs sans condition d’encadrement du montant du loyer ni prise en compte du niveau de ressources des locataires. Ainsi le contribuable va-t-il « payer » l’investissement immobilier de pur rendement des plus favorisés pour des catégories de logements qui ne sont pas les plus prioritaires et pour des biens locatifs qui seront mis sur le marché sans limite de loyer. C’est la redistribution à rebours !

Source : Parti Socialiste