GESTION DE MUNICIPALITES PAR L'EXTREME DROITE Entretien           le 12/02/04      Entretien avec Guy Obino, maire de Vitrolles

« une situation calamiteuse ! »

Guy Obino, maire de Vitrolles dresse un constat sans complaisance des pratiques instaurées par le couple Mégret, six années durant, à Vitrolles (Bouches-du-Rhône). Depuis son accession à la mairie, l’équipe socialiste a redressé la barre et assaini les finances d’une ville qui reprend peu à peu goût à la vie.

La ville de Vitrolles est longtemps restée sous la tutelle du couple Mégret. Dans quel état avez-vous trouvé la municipalité à votre arrivée ?

Nous avons découvert une ville surendettée. Au point que nous ne dispositions pas de fonds suffisants pour honorer les salaires des fonctionnaires. De surcroît, plus de 1 600 fiches de paie étaient attribuées à des agents non résidents, dans le cadre de contrats qui ne correspondaient pas à ce que le service public est en droit d’attendre de pareils recrutements.
Pis ! Nous avons dû faire face à la dégradation du patrimoine communal, de la voirie et des écoles, touchées par de nombreuses infiltrations d’eau. Sans parler de l’abandon de la politique de la petite enfance, ainsi que des équipements sportifs et culturels qui ne répondaient plus aux normes et qui ont pourtant fait la réputation de Vitrolles. Le tout, sur fond de fracture humaine et l’apparition de zones de non droit où les lois de la République n’étaient plus de mise…

Quelle a été votre stratégie de reconquête ?

Elle s’est bâtie sur une complète remise en cause de la gestion municipale, en insistant sur les conditions ayant conduit à la dégradation progressive des lieux publics et à une situation financière pour le moins catastrophique. Situation comparable, à bien des égards, à celle de Toulon.
Ce n’est qu’en dénonçant la gestion locale du FN et du MNR qu’on parviendra à éveiller les consciences. Certainement pas en les diabolisant ! Durant la campagne, nous avons publié un ouvrage sur les années noires du couple Mégret, en pointant l’état de décrépitude des lieux publics, photos à l’appui. Ce livre s’est révélé très utile à l’usage.

Les municipalités FN ont mis en application le principe de « préférence nationale. » Quels ont été les effets de cette politique à Vitrolles ?

Le couple Mégret a mis au point une prime à la naissance qui lui a valu une condamnation définitive. C’est bien la preuve que nos principes institutionnels servent de rempart contre ces petits apprentis fascistes qui cèdent trop souvent à leurs penchants extrémistes.
Dans les quartiers, ces pratiques ont donné lieu à une véritable politique d’apartheid, au profit des seuls Européens qui ont été invités à quitter les zones à taux d’immigration élevé, avec l’appui de la mairie. Lieux d’insalubrité où les services publics et la police n’entraient plus depuis longtemps. Bel exemple de discrimination !

Durant cette période, la culture et le tissu associatif sont devenus les piliers incontournables de la résistance. Leurs défenseurs n’ont-ils pas été les principales victimes de la municipalité ?

Les Mégret s’en sont pris à des symboles, en mettant à bas l’expression culturelle locale. S’en sont suivi la fermeture du cinéma, la mise en veilleuse du théâtre et la création d’un comité de lecture qui s’apparentait davantage à une instance de censure, au sein même de la bibliothèque municipale. Le tout, au profit d’une prétendue culture folklorique, censée servir des intérêts nationalistes.

Propos recueillis par B. T.



  Trois ans de gestion FN à Toulon


Mensonges, censures, restrictions tous azimuts… C’est peu dire que les municipalités administrées par l’extrême droite ont subi des attaques frontales. Au mépris de nos institutions et au prix d’une véritable mise sous tutelle des principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Enquêtes et témoignages en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA)

« À Toulon, le FN doit sa victoire à un véritable concours de circonstance qui résulte de l’impréparation de la gauche et de l’état de déliquescence d’une droite proche des extrêmes », observe Robert Alfonsi, vice-président du conseil régional, Premier secrétaire fédéral du Var et conseiller municipal à Toulon.
« Du coup, le passage de témoin s’est opéré en douceur. Au nom d’un discours qui, au fond, n’a pas changé. Et d’un principe immuable qui puise son inspiration dans la rhétorique de l’Algérie française, le racisme et la lutte acharnée contre la gauche et la laïcité.»

Le glissement de l’opinion sert de tremplin au Front national. Tant et si bien qu’au soir du 18 juin 1995, Jean-Marie Le Chevallier, fidèle lieutenant de Jean-Marie Le Pen, hérite des rênes de l’exécutif local, succédant à une droite aux pratiques clientélistes éprouvées. A deux pas de là, deux autres villes ont également cédé aux sirènes du FN : Marignane et Orange.

Au fil des semaines, la nouvelle équipe surprend l’opinion. « Les deux premiers mois nécessaires à son installation se sont déroulés sans incidents particuliers, à l’inverse de ceux provoqués dans les bibliothèques d’Orange ou dans les cantines scolaires de Marignane », précise Luc Léandri, auteur d’un important mémoire sur l’implantation du FN dans la région.
Si le maire ne prend aucune mesure marquante, au point de contraindre Jean-Marie Le Pen, à le sermonner lors du bureau national du mouvement, le 30 octobre 1995, cela ne l’empêchera nullement de mettre en place une gestion destinée à satisfaire ses affidés et quelques ralliés de dernière minute, habitués aux largesses somptuaires de ses prédécesseurs.
« Paradoxalement, l’expérience frontiste réveillera les consciences républicaines et militantes, étouffées par une droite clientéliste qui a régné sans partage sur la ville trente années durant », souligne Robert Alfonsi. « L’union de la gauche s’en trouvera renforcée. Des liens se multiplieront avec les associations et les syndicats. Liens d’autant plus forts que la majorité municipale se complaira dans des rapports ambigus avec la mafia locale. »

« Contre la déviance sociale »

Derrière son côté bon enfant, Jean-Marie Le Chevallier est bien le digne représentant de son parti. Au diable les promesses ! Sous couvert d’économies drastiques, les subventions accordées aux associations diminuent comme peau de chagrin. Et justifient des contributions sélectives, au nom de considérations politiques partisanes pour le plus grand profit d’organismes qui se voient attribuer des subventions substantielles, comme le Cercle national des combattants ou Fraternité française, qui comptent parmi les satellites du FN. La municipalité apporte également son soutien à l’association 35 ans après, très Algérie française.

Côté culture, le Centre national de Chateauvallon devient rapidement le principal îlot de résistance. Attaqué de toutes parts, il ne doit son salut qu’à l’opiniâtreté de la ministre socialiste, Catherine Trautmann, et de la Région, contraintes de compenser l’absence de financement municipal.
« Cette intervention s’est révélée d’autant plus utile que cette institution exerce une activité culturelle dans les quartiers sensibles », constate Christian Martin, conseiller régional et président de la Commission culture et nouvelles technologies de l’information et de la communication, auprès de Michel Vauzelle. « A la région, les élus du FN prennent systématiquement position contre le Fonds régional d’aide contemporaine (Frac) et le spectacle vivant. Ils s’opposent également à toute forme de coopération culturelle avec le bassin méditerranéen. Logique de rupture qui s’ajoute à leur veto aux subventions attribuées aux scènes régionales. »

La remarque vaut également pour la politique de la ville, accusée de favoriser la « déviance sociale », l’interventionnisme économique, la formation ou le soutien aux entreprises et au tissu associatif… « Au FN, nous pensons que l’argent le mieux utilisé est celui qui reste dans la proche du contribuable », résume un affidé.

« Mains propres, têtes hautes ! »

Au sein même de la cité varoise, les personnes en difficulté, majoritairement issues de l’immigration, pâtissent des effets d’une politique minimaliste. « Derrière l’illusion d’une gestion financière rigoureuse, transparaissent des dépenses excessives, tempête Bruno Maranzana, conseiller général du Var et conseiller municipal. Tant et si bien que l’accroissement des déficits en investissements retarde le développement de la cité. Sans parler de la politique de proximité qui trouve rapidement ses limites dans une ville en manque de perspectives. »

Au fil des mois, la situation se dégrade et le déficit se creuse. Les élus frontistes reviennent peu à peu sur leurs engagements. Dès 1996, la taxe d’habitation connaît une augmentation sensible et la taxe professionnelle est portée au maximum du taux autorisé. Le temps, pour Jean-Marie Le Chevallier, d’annoncer une hausse des impôts de 5,5 %, aussitôt estimée à 7,2 % par le socialiste Christian Goux. La légère décrue amorcée, les années suivantes, ne constitue guère qu’un subterfuge.

Le désastre gagne rapidement le terrain économique. Comme on vend les bijoux de famille, l’exécutif municipal s’empresse de liquider le patrimoine communal, via la vente de nombreuses propriétés qui relèvent de son autorité. Au nom du sacro-saint principe de rigueur, aucune initiative, aucun projet n’est affiché. Les investissements se limitent au strict minimum. Du coup, les marges de manœuvres s’effritent. « C’est le temps des affaires, avec la disparition troublante du directeur de cabinet du maire et la résurgence d’un clientélisme notoire qui coûtera cher au FN lors des élections suivantes », brocarde Robert Alfonsi.
Epoque peu glorieuse qui se soldera par la mise en examen du premier magistrat et certains de ses adjoints, mettant à bas le fameux slogan « Mains propres, têtes hautes ! » De surcroît, des querelles intestines viendront perturber la majorité municipale. Avec, pour conséquence inéluctable, des revers électoraux, au profit de candidats de gauche portés par la victoire des élections législatives de juin 1997.

B. T.




Source : www.parti-socialiste.fr